lundi 15 décembre 2008

Deux enfants inséparables qui jouent ensemble comme deux complices. Un garçon et une fille. Deux adolescents qui flirtent. Une histoire qui naît.Deux adultes qui se déchirent aujourd'hui, qui se cherchent et se traquent, mais pour d'autres raisons ; un homme et une femme que tout a rapproché mais que tout oppose désormais. Elle est lieutenant de police. Lui, c'est un braqueur, un bandit. Un meurtrier en cavale qu'elle doit mettre hors d'état de nuire. Sous nos yeux, ces deux êtres humains vont se rendre coup pour coup, dans un jeu de mort arbitré par l'amour et la haine qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Le pardon a-t-il sa place dans ce flot de ressentiments ? Jusqu'où ira la confrontation d'un chat et d'une souris ?

Il se sentait complètement décalé. Faire des études, trouver un job, y aller par nécessité plus que par intérêt ou passion, faire la même chose pendant de longues années pour attendre le jour de la retraite et l’inévitable pot de départ, trouver un appartement ou une maison à acheter. Faire un crédit, en prendre pour 15 à 20 ans. Se marier, avoir une femme, des gamins, un chien à la maison. Partir en vacances en été dans le sud, faire la route en voiture comme tout le monde, dans les embouteillages. Ça le faisait chier. C’est ça le sens de la vie ?

Une nuit d’amour fou les avait enflammés. Les hostilités avaient commencé à peine la porte de son appartement franchie. Les manœuvres de contournement avaient laissé la place à un assaut torride où les deux parties s’étaient affrontées. La lutte avait été féroce et acharnée, chacun des protagonistes ne voulant céder aucun pouce de terrain. La bataille qui avait fait rage n’avait pas permis de les séparer. La fusion de leur corps s’accompagnait de celle de leur esprit. Le moment du cesser le feu était donc venu, chacun ayant épuisé ses munitions. C’était le temps du repos des guerriers. Les pourparlers de paix pouvaient débuter, sur un coin d’oreiller.

- Tu vois, quand je te le disais. Tu ne voulais pas me croire. Et tu voulais lui filer de la thune en plus ! J’aurai dû l’abattre comme un chien. Evidemment, tu aurais tiqué, je te connais.
- Attends, Ce n’est pas le genre de chose que l’on fait pendant un mariage, d’abattre le prêtre ! répondit Anna.
- Ca aurait été très drôle pourtant. Et puis personne ne l’a jamais fait avant. On serait entré dans l’histoire. Et le curé avec nous ! Au lieu de cela, il se permet de nous vendre. Il ne tient même pas sa parole. T’as vu comment il nous a balancé ? Voilà où elle mène la charité chrétienne. Dire qu’on lui a lâché 200 euros ! râla Guillaume.
- Et alors ? Ca t’arrache toujours le cœur de donner de l’argent.

Marie passa le seuil de la réception de l’hôtel Marriott. Un établissement luxueux qu’elle découvrait car ce n’était pas le genre d’endroit qu’elle fréquentait. Elle présenta sa carte de police au réceptionniste qui l’accueillait. Après les formalités d’usage et les questions à propos du cambriolage qui avait eu lieu la veille dans la rue, elle montra les photos de Guillaume. L’employé le reconnut immédiatement. L’intérêt de Marie pour son témoignage grandissait, excitant sa curiosité.
- Vous êtes sûr que c’est lui ?
- Oui, je l’ai vu, c’est lui, il était accompagné d’une femme, une très belle femme d’ailleurs, grande et brune. Elle avait un accent, italien, je pense. Ils ont pris une chambre pour deux nuits.
- Quoi ? Ils sont venus ici ? À l’hôtel ? Quand ça ?
- Le week-end dernier ! Ils sont restés de vendredi soir jusqu’à dimanche.

- Bon d’accord, j’ai paniqué. Il était devant moi. Je n’ai pas eu le temps de réfléchir. C’était lui ou moi, il a braqué son flingue sur moi, bordel ! T’aurais fait quoi à ma place ?

Ils avaient franchi un cap désormais, et rien ne pourrait plus être pareil. Ils étaient sortis par l’arrière de la maison, et il était seul, là, planté devant Guillaume. Une fraction de seconde ou leur regard s’était croisé. Comme lors de leur première rencontre. Guillaume était avec Anna qui le suivait juste derrière. Matthieu avait alors sorti son arme pour les arrêter. Guillaume avait tiré et la balle s’était logée dans sa poitrine au moment où il les mettait en joue.
- Lui ou moi, j’ai tiré.
- A bout portant ! Merde ! s'emporta Anna.
- Je sais, ce n’est pas juste. Mais c’était lui ou moi. Pas le choix !
Il doit être mort maintenant avait rajouté Anna.

La peur de la mort. La peur de la fin. La peur du drame. La peur du manque. La peur du vide. La peur de la séparation. Ce sentiment diffus commençait à s’insinuer dans leur esprit. Eux qui l’avaient méprisé jusqu’ici, par ignorance autant que par fierté et par défis, devaient maintenant compter avec lui.

La peur les tenait, mais personne n’en parlait ouvertement. La peur était taboue, mais elle avait étendu son empreinte. Personne n’osait se l’avouer, encore moins l’accepter, car l’accepter, c’était douter, trembler et c’était perdre. Cette peur s’était manifestée dès la fuite. Maintenant elle se traduisait par l’inquiétude pour l’autre. Ils avaient tout partagé jusque là, ils partageaient désormais l’appréhension. Ils en étaient tous conscients, mais l’avouer c’était s’affaiblir et donner raison aux flics. Et ça, personne ne le voulait. Le goût de l’échec, le goût de la défaite, le goût du désespoir imprégnait petit à petit chacun d’entre eux. Ils ne voulaient pas se rendre à l’évidence. S’arrêter, c’était perdre, reculer c’était se rendre, continuer c’était mourir.